Le Grand Orgue : la période post-classique et romantique
En 1811, René Cochu (1764-1829) effectua l’ultime relevage de l’orgue établi par Etienne Enocq. Il retira la contrebombarde 32’ au profit d’une seconde bombarde 16’, et installa une nouvelle soufflerie, car l’ancienne était devenue “très défectueuse sous le rapport de la puissance et de la régularité”.
Une inscription gravée dans la pierre, à la tribune atteste que “René Cochu, de Troyes, a refait les soufflets carrés en 1811”.
La soufflerie fut donc changée à trois reprises, en 1766, 1796 et 1811, mais ne semblait toujours pas donner satisfaction.
Un rapport de 1843 indique, selon Charles Cerf, que l’orgue “était tombé dans une désorganisation telle que plusieurs jeux ne fonctionnant plus, il fallait aviser au moyen d’y porter remède sous peine de le voir bientôt hors d’état de servir”.
L’orgue de John ABBEY
D’origine anglaise, John Abbey avait construit en 1837 un orgue de chœur de 12 jeux sur 2 claviers pour la cathédrale. Il comptait alors sur l’appui de Louis Fanart, organiste et maître de chapelle, pour obtenir le marché de reconstruction du Grand Orgue.
En 1842, la fabrique de la cathédrale nommait une commission chargée d’établir un rapport concernant les travaux à envisager.
John Abbey présenta alors, le 18 mars 1844 un projet de reconstruction totale de l’instrument, en conservant seulement 11 jeux. Le facteur anglais évoqua une “impérieuse nécessité de refaire à neuf les sommiers, la soufflerie, le mécanisme, la montre et la plus grande partie des jeux”.
Le devis fut accepté et l’orgue démonté en 1845.
L’écho, classique, fut supprimé au profit d’un récit expressif, les 3 claviers portés à 57 notes, en montant au fa5 et avec un ravalement complet au la0. Une nouvelle batterie d’anches fut installée, et dédoublée.
Le nombre de jeux fut porté à 53.
Si la question du ton de l’instrument avait déclenché une vaste polémique, l’étroitesse du buffet fut une réelle source de complications pour John Abbey. En effet, l’installation d’un récit expressif, le ravalement en 20’ au Grand Orgue, avec ses deux bombardes, et surtout les quatre 24’ de pédale rendirent délicate la répartition à l’intérieur du buffet. La solution retenue fut celle d’ajouts extérieurs. De part et d’autre du buffet furent donc installées deux plates-formes sur lesquelles reposaient les tuyaux les plus graves de l’instrument et qui n’avaient trouvé place à l’intérieur du buffet. Une cloison de bois peinte en trompe-l’œil devant les tuyaux renforçait l’illusion d’un prolongement des colonnes de pierre.
L’année 1849 vit l’achèvement des travaux, même si une commission nota de nombreuses observations négatives. Il manquait trois des jeux prévus, la répartition des tuyaux en bois et en étain n’était pas conforme au devis, et trois jeux d’anches qui ne devaient pas être conservés avaient été simplement réparés. Certaines imperfections mécaniques entravaient le bon fonctionnement de l’instrument, de même que l’étroitesse de la console. Hamel, auteur du rapport en 1849, nota que “on ne saurait trouver de disposition moins étudiée et plus incommode que celle qui a été adoptée par le facteur”. Ce même rapport fait également mention d’un harnais de maintien relié au buffet du positif et retenant l’exécutant par le dos pour l’empêcher de tomber sur les claviers ! Cependant, Hamel reconnut par ailleurs “une grande puissance et une remarquable beauté des sons”.
L’orgue fut finalement reçu le 14 septembre 1849, alors que John Abbey, ruiné, était mis en faillite.
L’instrument subit peu de transformations au cours de la seconde moitié du 19ème siècle. Augustin Brisset, facteur rémois, releva l’orgue en 1886, suite à l’orage du 31 juillet.
“Il retira à la hâte l’eau jaunâtre qui remplissait chaque tuyau des jeux d’anches et qui s’infiltrait dans les sommiers très compromis. Il constata ensuite que le mécanisme intérieurement mouillé ne fonctionnait plus à cause du gonflement subit des bois. Il trouva aussi la soufflerie envahie”.
Jusqu’en 1914, rien de vint modifier le cours de l’instrument de John Abbey. A la veille de la première guerre mondiale, un don de la comtesse Werlé et qui devait être affecté à la restauration du Grand Orgue par Charles Mutin, permit finalement une reconstruction de l’orgue de chœur en 1921.