Le Grand Orgue, du 13ème au 18ème siècle
Les origines
Les premières traces historiques d’un orgue à la cathédrale de Reims semblent remonter au début du 13ème siècle, puisque, d’après un ancien pouillé du diocèse, “An 1219, l’esglise de Nostre-Dame a été brûlée au-dessus des orgles” ; or, il est possible que cette date fasse allusion à l’incendie qui détruisit l’ancienne cathédrale vers 1210, et qui aurait pu abriter un instrument qui aurait succédé à celui construit par l’archevêque Gerbert, futur pape Sylvestre II, à la fin du 10ème siècle.
L’orgue aux 15ème et 16ème siècles
La même source révèle également qu’un nouvel instrument avait été édifié en 1470, puisqu’en 1468, l’archevêque Jean Juvénal des Ursins avait donné 400 livres “per sua parte…pro conficiendis novis organis in ecclesia”.
Cet orgue fut en grande partie détruit par l’incendie qui ravagea la cathédrale le le 24 juillet 1481, à l’exception de la tribune et du positif de dos qui survécurent et furent conservés.
Un grand buffet fut donc reconstruit en 1487 par Oudin Heystre, de Cambrai, et c’est à ce meuble que l’orgue doit aujourd’hui ses proportions. L’instrument était alors un blockwerk de 20 rangs et possédait des trompes de 24 pieds. Il fallut employer 14 320 livres d’étain pour fabriquer les tuyaux, ce qui coûta 2 320 livres tournois. A cette somme s’ajoutaient 300 livres pour les crampons, 100 livres de fil d’archal, 700 livres pour le buffet, la chambre des soufflets, les volets de toiles peintes, et 600 livres pour la façon.
L’instrument coûta au total environ 4 020 livres tournois et fut reçu le 5 juin 1489. Il comportait alors 1852 tuyaux dans le grand buffet, et 568 dans le positif.
Prosper Tarbé, dans son ouvrage “Notre-Dame de Reims”, en 1852, indique que “dans l’origine, on avait suspendu en-dehors, du côté de la façade septentrionale, une chambrette faisant saillie couverte en ardoises; elle renfermait les soufflets de l’instrument”.
Charles Cerf, en 1861, atteste également l’existence, en 1481, “d’une couverture d’ardoises qui est hors et joignant l’église”. Il note également la présence à cette même date “à l’extérieur, au dessus du portique du jugement dernier, au portail nord, de crampons et de trous, restes évidents de la chambre où se trouvait établie la soufflerie”.
En 1571, le facteur Denys Collet entreprit une série de travaux. Le positif de 1470 fut remplacé par un meuble de style renaissance composé de 7 jeux. L’aspect de celui-ci nous est connu par le dessin qui accompagne le marché passé avec son constructeur, ainsi que par la gravure réalisée en 1585 par l’organiste Jacques Cellier et qui représente l’orgue, muni de ses volets, ouverts et fermés.
D’autre part, Denys Collet avait relevé le grand orgue, posé un clavier et un abrégé neufs, restauré le buffet, construit une nouvelle soufflerie composée de 8 soufflets, en plus des 3 dévolus au positif. Il avait par ailleurs transformé les trompes de 24 pieds en les faisant sonner en 12 pieds à la pédale.
Nicolas Hocquet, facteur d’orgue de Nancy, restaura l’instrument en 1619-1620. Il refit à nouveau 5 soufflets de 8 pieds par 4, et ajouta trois notes graves (do, ré, mi) à la grosse flûte et à la trompette de pédale. Le tout fut terminé pour la fête de Saint Remy, en octobre 1620.
L’orgue classique
Le buffet subit une mutation extrêmement importante en 1647, puisque le facteur d’orgue Etienne Enocq et le menuisier Jean Thury ont totalement remodelé le meuble en recouvrant la structure du buffet précédent de nouvelles boiseries. D’ailleurs, aujourd’hui encore, certains éléments du soubassement de 1487 sont encore visibles derrière le buffet actuel.
Le grand organiste et compositeur Nicolas De Grigny, auteur d’un “livre d’orgue contenant une messe et les hymnes des principales festes de l’année” en 1699, et titulaire de l’instrument rémois de 1695 à 1703, devait avoir à sa disposition un orgue d’environ 50 jeux, après que Jean Vuisbecq y eut ajouté en 1696 un clavier de récit, une tirasse grand-orgue, deux tremblants et transformé le flageolet du positif en larigot.
Selon l’inscription laissée sur une colonnette de l’escalier, à la tribune, et encore visible de nos jours, “cet orgue a été rétabli en 1730 par M. Tierre, facteur d’orgue demeurant à Paris”. François Thierry a en effet effectué un relevage du Grand Orgue à cette date, après avoir restauré la soufflerie et reconstruit des sommiers neufs au positif en 1728.
Louis Péronard, facteur rémois, entama une série de travaux à compter de 1765. Si l’orgue avait été antérieurement augmenté d’une flûte 16’ au grand clavier et d’une bombarde au pédalier, Péronard continua à donner à l’orgue plus de puissance et d’expression. Ainsi, après avoir rajouté de nouveaux soufflets placés derrière le buffet, au pied de l’orgue qui devenait gourmand en vent du fait de ces nombreux jeux graves, il posa en 1767 une contrebombarde 32’, la première de ce type en France.
L’entretien de l’instrument a été ensuite assuré par Louis Péronard jusqu’en 1796, année où fut officiellement abordée la question de protection de l’orgue. Ce dernier était en effet privilégié par rapport aux 25 instruments que comptait la ville avec ses 14 églises, 5 abbayes et autres établissements religieux. Le 17 juin 1796 une délibération du conseil municipal insistait sur la nécessité de préserver l’instrument, la contrebombarde 32’ ayant subi “des accidens irréparables de la maladresse et de l’ignorance”.
Quelques jours plus tard, suite à une expertise, l’orgue fut alors reconnu “propriété nationale, faisant partie des objets de Science & Arts confiés aux soins du conservateur du musée de Reims”.